Publié le 18/12/2015
S’il est bien un thème fédérateur d’attention voire même de quelques appréhensions sur tous les continents du monde – et comment pourrait-il en être autrement de la part des aînés et parents – c’est assurément celui de la jeunesse qui porte évidemment l’avenir du monde dont les mutations s’accélèrent et s’amplifient.
La jeunesse est représentée par la classe d’âge des 15-24 ans si l’on s’en tient à la définition universelle de l’ONU, étendue à 15-35 ans par la charte africaine de la jeunesse entérinée par l’ UA. La jeunesse couvre donc les générations dites Y et Z dont les singulières ou supposées spécificités alimentent généreusement les débats de leurs aînés, experts et praticiens dans la société et le monde des entreprises.
Partout, les envies, les espoirs et les efforts de la jeunesse pour grandir et accéder à l’âge adulte à une situation décente sont d’abord guidés et soutenus par leurs aînés et en tout premier lieu l’éducation donnée par leurs parents, au moins jusqu’à l’âge de l’émancipation.
Simultanément, les états ont la charge de concevoir, mettre en œuvre et financer les infrastructures, les plans et les programmes du droit à l’éducation primaire, secondaire et supérieure indispensables à l’insertion des jeunes dans la société en général puis la vie économique et professionnelle en particulier, avant que la formation permanente ne prenne ensuite le relais pour soutenir l’adéquation indispensable et constante des compétences aux besoins de plus en plus évolutifs des entreprises et à l’emploi.
- Optimistes pour eux-mêmes, adhérant à la globalisation tirée inéluctablement par les télécommunications et plutôt en défiance envers leurs pays et institutions nationales
Avant d’ aborder la réalité complexe et délicate en Afrique des priorités d’accélération et d’amélioration des initiatives des secteurs public, privé et associatif, aussi nombreuses que très tardives en matière d’éducation, il est intéressant de prendre connaissance parmi une littérature foisonnante des enseignements de la dernière enquête planétaire sur la jeunesse du monde (Fondapol *), ses perceptions et ses conceptions quant à son propre futur.
Les conclusions de cette étude sont en effet particulièrement édifiantes pour tous les Dirigeants et Managers et tout professionnel de la gestion des Ressources Humaines, des Talents et de la Communication, tant des éléments transposables à la vie des entreprises peuvent éclairer et servir le management efficace de l’élan des Equipes et de l’engagement des Hommes. Cette prise de conscience requiert encore un effort important de lucidité quant aux effets des mutations précipitées du monde et à l’urgence d’agir maintenant, pour n’avoir pas suffisamment anticipé.
De cette enquête conduite auprès de plus de 30 000 jeunes originaires de 25 pays, – où ne figurent toutefois que l’Afrique du Sud et le Maroc pour le continent africain – il ressort par exemple nettement le pessimisme légendaire des jeunes français, pourtant plutôt satisfaits de leur situation personnelle mais jugeant à moins de 50% leur avenir personnel prometteur – contre 70% pour la jeunesse du monde entier.
Un pessimisme plus fort encore des jeunes français lorsqu’ils considèrent à moins de 20% l’avenir du pays comme prometteur, car plutôt perçu comme engourdi et frileux dans une Europe au global en déclassement démographique par la réduction du poids de sa population dans la population mondiale et plus encore vieillissante avec le cortège de lourds héritages que cette évolution entraine, assortie de scepticisme et de défiance à l’égard des institutions nationales, des gouvernants et du personnel politique en général.
Si le pays déçoit, en lot de consolation il apparaît que dans les pays d’Europe l’évolution de la société hors des carcans nationaux serait jugée malgré tout plus enthousiasmante et recèlerait donc un potentiel d’engagement à ce jour très inexploité, qu’il serait bienvenu que les dirigeants de tous secteurs public et privé réveillent et sollicitent enfin. C’est le sens des certes méritoires quoique encore très laborieuses initiatives de nouvel élan par le (ré)engagement des équipes et par la promotion de l’entrepreneuriat observées ici ou là, tout comme du sempiternel chapelet de plans de simplification censés les accompagner.
Le contraste est particulièrement saisissant avec les perceptions des jeunes qui ont été relevées dans les pays émergents comme la Chine, l’Inde et le Brésil, forts de jeunes optimistes à plus de 80% tant pour eux-mêmes que pour leur pays, et plutôt confiants envers leurs gouvernements et institutions qui ne sont pas – ou pas trop – taxés de ralentir ou entraver leur dynamisme ni doucher leur vitalité.
Un optimisme confiant des jeunes des pays émergents, non pas béat mais soutenu par la conviction de pouvoir participer et jouer un rôle déterminant dans les évolutions de la société, ce qui suppose un devoir d’implication incontournable de la part de leurs aînés. C’est ainsi que l’étude souligne que la globalisation, par l’ouverture et le souffle qu’elle apporterait se trouve plébiscitée par les jeunesses des pays émergents comme une opportunité et non comme une menace, un optimisme d’ailleurs presque partagé par la jeunesse des pays développés, hors des pays d’Europe encore recroquevillés et craintifs où la globalisation n’est pas ou pas encore perçue comme une fenêtre d’opportunités mais comme une menace potentielle.
Sans qu’ils aient été suffisamment sélectionnés pour cette étude portant sur 25 pays, hormis au Maroc et en Afrique du Sud, il y a fort à parier que les perceptions des jeunes africains dans la mosaïque constituée des 54 pays du continent rejoindraient celles des grands pays émergents.
Elles se traduiraient probablement – hors des situations de crises locales – par un niveau d’optimisme élevé des jeunes pour eux-mêmes, par un niveau d’optimisme probablement bien moindre envers les institutions locales de nombreux pays en cas d’instabilité chronique ou de mal gouvernance qui ont pu altérer la confiance des jeunes, et par un niveau de confiance élevé dans l’évolution de la société et du monde puisque ces jeunes – les plus nombreux au monde – connaissent et portent eux aussi l’ouverture et le souffle de la globalisation.
- Accélération et amélioration drastiques des solutions d’éducation et d’apprentissage, et encouragement massif à l’entrepreneuriat en recours vital et ambition partagée
La jeunesse d’ Afrique constitue un enjeu critique pour tous les pays du continent qui compte la population la plus jeune du monde avec 200 millions d’habitants âgés de 15 à 24 ans, dont 10 à 12 millions arrivent chaque année sur le marché de l’emploi avec un bagage faible ou très souvent inadapté, alors même que les jeunes africains placent leur éducation au premier rang de leurs préoccupations, avant même la santé.
Les plans d’urgence se multiplient pour ne pas dilapider cette première richesse et prévenir le « péril jeune » ou « la bombe à retardement » dans les états ayant ensemble proclamé en 2009 la décennie de la jeunesse africaine. Malgré les progrès enregistrés, les effets de la mobilisation sur ce sujet d’ une telle ampleur ne suffisent pas à ce jour à absorber l’arrivée massive des jeunes sur le marché du travail où leur taux de chômage est déjà au moins du double de celui des adultes en culminant à plus de 30% dans un contexte où le sous-emploi domine. Les taux de chômage et de sous emploi sont d’ailleurs inexorablement promis à augmenter sous l’effet du doublement de la population tel qu’ il est estimé d’ici 2050, si les plans d’actions ne sont pas vigoureusement renforcés et leur périmètre étendu.
La jeunesse confrontée à cet environnement est naturellement prête à ramer pour ses études, s’insérer et prendre pied dans la vie professionnelle en surmontant les inhérentes difficultés auxquelles s’expose tout débutant. Mobiles, certain(e)s poursuivent en bon nombre -et en première proportion des étudiants dans le monde – leurs études à l’international et rejoignent la diaspora. En l’absence de perspectives et en quête résolue d’un avenir meilleur, certains sont même tragiquement conduits à ramer en rejoignant au péril de leur vie des rafiots d’infortune de migrants, alors que leur volontarisme, inventivité, mobilité et potentiel devraient pouvoir trouver un écho favorable sur leur continent en très forte croissance, où toutes les activités progressent, se diversifient et requièrent des Talents entreprenants.
C’est en tout cas ce qu’il m’a été permis de percevoir et d’entendre lors des échanges avec de très nombreux jeunes Talents locaux et de la diaspora rencontrés régulièrement sur les campus, dans les forums d’emploi , en entreprise et lors des interviews de recrutement et d’intégration, ainsi qu’ à l’occasion de la Convention des Alumni – France du Groupe ISM (Institut Supérieur du Management) à laquelle son Président et fondateur Amadou Diaw m’a fait l’honneur et le bonheur de me convier le 31 octobre.
Une cinquantaine d’ Alumni – France de la première Business School d’Afrique de l’Ouest, créée en 1998 à Dakar et comptant depuis 17 000 diplômés d’une trentaine de nationalités différentes se sont retrouvés à l’occasion de cette Convention, échangeant quant aux premiers pas de leur parcours professionnel et témoignant, sous la houlette de modérateurs des médias, de leurs expériences, de leurs convictions mais aussi de leurs doutes, lors de 2 tables rondes sur les thèmes clés, évidemment récurrents :
– l’insertion professionnelle
– l’entrepreneuriat en Afrique
Pionnier et leader d’excellence dans l’enseignement du management en Afrique francophone, le Groupe ISM monte résolument en gamme et amplifie son rayonnement, tout comme bon nombre d’autres Écoles et Universités dans leurs domaines d’éducation et de formation.
Les partenariats académiques avec les meilleures Écoles du continent et du monde contribuent à cet élan, toujours plus nombreuses à se rapprocher de leurs potentiels futurs étudiants, en s’implantant ou s’associant avec leurs pairs du continent.
Les multiples démarches de professionnalisation qui sont engagées visent à doter les étudiants d’un bagage de meilleur niveau en premier passeport pour l’emploi lors des processus de recrutement et de sélection. Elles participeront aussi à réguler progressivement les phénomènes de brain drain/brain gain par une meilleure attractivité des établissements locaux s’appuyant sur la qualité attestée de leurs enseignements donc de leurs enseignants. Le niveau de qualité peut être même certifié comme par exemple dans le cadre du programme RH-Excellence Afrique (REA) de la fondation AfricaFrance et du CIAN (Conseil Français des Investisseurs en Afrique), qui lanceront par ailleurs en avril 2016 avec le consortium constitué de Sciences Po (France), ISM (Sénégal), UCT (Afrique du Sud) et du CEFEB (France, AFD) la première promotion du programme LeAD Campus dédié à la préparation de futurs leaders africains pour les secteurs privés, publics et associatifs sur le continent.
Tous les secteurs d’activité sont donc concernés et les entreprises ne peuvent être en reste, mettant en place les académies et autres universités préparant ou perfectionnant à leurs métiers spécifiques. Les partenariats avec les meilleures écoles participent là aussi à l’arsenal des démarches partout engagées, c’est ainsi par exemple que plus de 60 partenariats dans près de 25 pays ont été conclus par les filiales de Bolloré Africa Logistics entre 2012 et 2014, après que j’ai fait le constat de la carence de nos relations de proximité indispensables en ce domaine et décidé d’y remédier rapidement avec l’aval et le concours de toutes les Directions opérationnelles des régions, pays et filiales épaulées par les Directions fonctionnelles des métiers.
Il est par ailleurs indispensable et incontournable que le recours massif et accéléré à l’apprentissage, au parrainage, au mentoring, … s’impose beaucoup plus fortement encore sur l’agenda de tous les États et des entreprises de tous les secteurs d’activité pour aider au transfert intergénérationnel des compétences professionnelles et techniques et pallier au moins partiellement par exemple le déficit estimé de plus de 2 millions d’ingénieurs et d’au moins autant de techniciens issus des filières courtes.
Le réveil est certes tardif face à l’ampleur du sujet, il aurait dû survenir dès l’âge du berceau des jeunes d’aujourd’hui, mais il est néanmoins réel et se traduit par des avancées prometteuses dans bon nombre de pays. Des progrès notables et rapides en sont d’ailleurs attendus par la jeunesse qui s’impatiente sur le continent et questionne ses ainés et gouvernants qui ont proclamé en 2009 la décennie de la jeunesse africaine sans que soient enregistrés à ce jour de résultats suffisamment probants en termes d’emploi et d’employabilité.
Les créations d’emploi dans tous les secteurs d’activité pourtant en manque criant de Talents ne suffiront d’ ailleurs pas à absorber le tsunami de la main d’œuvre disponible, l’entrepreneuriat est donc une voie qui se développe très fortement, explicitement inscrite au plan de tous les États pour leur jeunesse et au programme obligatoire des Écoles qui y préparent leurs étudiants, comme le Groupe ISM et bien d’autres.
Outre le fait de constituer une solution vitale au regard de la situation de l’emploi, il est intéressant de noter que l’entrepreneuriat est une formule souvent plébiscitée par la jeunesse elle même, corroborant ainsi les conclusions de l’enquête planétaire sur la jeunesse où dans tous les pays sondés sans exception et sans nul doute aussi les pays d’Afrique, la jeunesse se dit plus sûre d’elle même que de son pays. La jeunesse, par ailleurs plutôt favorable à la récompense de la performance individuelle, dispose donc d’un formidable potentiel d’engagement qu’il s’agit d’ encourager massivement (et de faciliter financièrement) comme en attestent de très nombreux exemples remarquables (cf article Oser, vous Dépasser et Grandir) de jeunes Talents qui agissent en comptant d’abord sur eux-mêmes, forgeant leur identité à laquelle l’éducation et l’activité professionnelle décentes sont si essentielles, en Afrique comme pour toutes les jeunesses du monde.
* Fondation pour l’Innovation Politique : 2011 – La Jeunesse du Monde